Yohanan faisait partie des « Petits frères de Jésus », une communauté créée en 1933 inspirée par la vie de Charles de Foucault. Dès le début de son ministère, Yohanan avait à coeur le peuple juif, particulièrement après avoir pris conscience de l’énormité de la Shoah. « C’est ce choc qui m’a amené ici », a-t-il déclaré. « La Shoah m’a donné envie de vivre avec ce peuple…». S’adressant aux Israéliens, il leur dit : « La nouvelle vie que vous avez créée ici est la réponse : les Allemands n’ont pas pu vous anéantir ».
En 1957 (Yohanan arriva en Israël en 1956 et obtint la citoyenneté au bout de 3 ans), Pie XII accorda au frère Yohanan, et plus tard à d’autres prêtres, de dire une partie de la messe latine en hébreu. Le Vendredi saint de 1959, « Yohanan chante joyeusement Oremus et pro Judaeis », le nouveau pape Jean XXIII ayant supprimé le mot perfidis. La qehilla (la communauté que le frère Yohanan avait initié à Jérusalem, en hébreu) adressa un télégramme de remerciement au pape.
Puis en 1984, Yohanan et son ami le frère Daniel, furent tour à tour reçus par le pape Jean-Paul II. Chacun exposa la nécessité d’accorder à la communauté catholique hébraophone son indépendance vis-à-vis du Patriarcat latin, ainsi que de présenter des excuses aux Juifs pour les persécutions commises par l’Église catholique durant deux millénaires et pour son antijudaïsme encore récent.
Yohanan était polyglotte. Parlant l’hébreu puis ayant appris l’Arabe, il voulait le perfectionner au contact direct de ses voisins arabes en Israël.
« La langue est la clé du cœur », disait Elihai, soulignant l’importance de l’arabe familier. Sa méthode souligne l’importance d’une prononciation précise, c’est pourquoi il a choisi de translittérer l’arabe en caractères anglais ou hébreu, avec des signes spéciaux signifiant les subtilités de chaque voyelle ».
« Discuter de la qualité de l’enseignement de la langue arabe en Israël peut ne pas avoir le même impact émotionnel que les bulletins d’information sur les attaques terroristes ou les discussions animées sur la Nakba et le BDS. Cependant, en écoutant Elihai, il est difficile de ne pas convenir que les Israéliens pourraient passer moins de temps à parler de politique et accorder plus d’attention à l’enseignement et à l’apprentissage de l’arabe
. « Avant de lire un journal, vous devriez parler à votre voisin », a-t-il dit.
« Je rencontre beaucoup de gens qui me disent qu’ils ont étudié l’arabe pendant trois ans et qu’ils ont tout oublié. C’est tellement dommage ».(
LIEN).
« Yohanan a travaillé comme céramiste, et imprimeur. Mais il est d’abord un lexicographe qui a parcouru les villes et les villages d’Israël. Son travail assidu, scientifique et précis exprime son amour de l’arabe et de l’hébreu. Outre ces langues, il parle le français (sa langue maternelle), l’anglais, le russe. Bien que son travail ait été fait hors des murs de l’Académie, il fut encouragé avec enthousiasme par celle-ci et en 2008 il reçut le titre de Docteur Honoris Causa de l’Université de Haïfa.
Egalement écrivain, il a publié de nombreux livres en hébreu et notamment le seul dictionnaire arabe-palestinien-hébreu existant aujourd’hui. Il est un pont entre les cultures juives et arabes, mais aussi entre la culture juive et la culture chrétienne » (tiré d’un livre de Rafael Perrodin – « C’est poussés par le Saint-Esprit »).
Un pont entre chrétiens et Juifs
Depuis la Shoah, à l’initiative de Juifs comme
Jules Isaac (lire les
18 propositions données à Seelisberg en 1947), et en accord avec des chrétiens protestants, catholiques, et orthodoxes, un dialogue a été ouvert. Mais avec 2000 ans d’Histoire d’un conflit permanent – les chrétiens ont hélas été des instruments de mort – il faut du temps pour aller l’un vers l’autre. L’antisémitisme chrétien est né d’une forme certaine de jalousie, suivie naturellement par l’hostilité des Juifs vis à vis du Christianisme.
Pourtant je crois personnellement aux plans de Dieu devant rétablir toutes choses et faire que Jacob et Esaü se réconcilient.
« Yohanan Elihaï déclarait : « [Cet] antisémitisme chrétien, que les chrétiens ignorent ou balaient trop vite d’une phrase (« C’est du passé ! ») sans savoir la blessure que cela a laissé […]. L’impression des gens en général est : cette religion est la négation de l’existence même du peuple juif, et la « religion de l’amour » s’est révélée bien cruelle ».
Finalement, il fallait vivre ce passé comme les Juifs et les Israéliens le vivaient. Cela impliquait aussi la dénonciation de l’antisémitisme chrétien, ce que fit Yohanan Elihaï lorsqu’il écrivit son livre »Juifs et chrétiens d’hier à demain », petit ouvrage d’une centaine de pages qui résume tout le passé persécuteur des chrétiens à l’égard des Juifs, avec des exemples très précis pour mieux convaincre » (Extrait de « La Communauté d’expression catholique hébraïque en Israël », de Danielle Delmaire).
Le frère Yohanan, qui vécut la plus grande partie de sa vie en Israël, est enterré à Ein Qerem, dans le cimetière de la communauté de la Visitation. Il aura laissé une empreinte indélébile en militant pour l’amour de Dieu envers l’humanité et et en tentant avec ses moyens de combler le fossé d’hostilité et d’incompréhension. Yohanan est pour chacun d’entre nous, hommes et femmes de bonne volonté, un encouragement certain pour croire qu’il y a une issue heureuse à ce trop long conflit au Moyen-Orient…