C’est le Kibboutz Beit Lo’hamei haghetaot (les combattants des ghettos), près de Nehariyah au nord d’Israël, qui a accueilli la salle consacrée à l’OSE, et à la mémoire de Daniel Trocmé. Ce lieu de mémoire est proche du musée des enfants de la Shoah, Yad Layeled, en souvenir des 1,5 millions d’enfants juifs assassinés. L’initiateur du projet « Daniel Trocmé » est Claude Meyer, de l’association NEGBA.
L’inauguration s’est déroulée le 15 février de cette année : « Les orateurs présents étaient l’ambassadeur de France M. Patrick Maisonnave, le président de l’OSE (l’Oeuvre de secours aux enfants juifs pdt la guerre) M. Jean-François Guthman, le Pasteur Gérald Fruhinsholz de Shalom Israël, Claude Meyer, fondateur de Negba, et M. Serge Klarsfeld. Ils ont tous insisté sur le rôle des résistants juifs et non juifs, ayant permis à beaucoup d’entre nous d’être cachés et d’être là aujourd’hui. Nous avons fait la visite de l’exposition de l’OSE « Sauvez les enfants, 1938-1945″, présentée par l’historienne Katy Hazan, où 10 enfants juifs sauvés par l’OSE et par d’autres organisations, toujours en vie, racontent leur histoire » (article de Betty Dreyfus).
L’histoire de Daniel Trocmé – Depuis le début de l’année 1943, Daniel Trocmé est en charge des vingt enfants de la pension des Grillons, au Chambon s/Lignon. Il est aussi responsable de 25 étudiants étrangers à la maison des Roches. Le 29 juin 1943, vers 6 h 30, les policiers allemands investissent les Roches. Trocmé et 18 étudiants sont arrêtés et déportés. 12 ne sont pas revenus, dont Daniel Trocmé, décédé en avril 1944 au camp de Maïdanek, en Pologne.
Magda Trocmé, l’épouse d’André Trocmé, rapporte qu’au moment de la descente de police aux Roches, Daniel, le cousin de son mari, se trouvait aux Grillons. A l’approche des Allemands, il aurait pu fuir « par les bois, derrière la maison, c’était tout près ! Mais il a dit qu’il ne pouvait pas, qu’il était responsable des Grillons mais aussi des Roches ».
« Je n’ai pas peur, c’est mon devoir » – Pendant les interrogatoires aux Roches, Daniel dit à Magda : « Ne te tourmente pas, je pars avec mes étudiants, je tâcherai d’expliquer les choses, de les défendre le plus longtemps possible… ne vous en faites pas, je n’ai pas peur et c’est mon devoir ». Avant de monter dans l’autobus, première étape de son calvaire, il demande à Magda d’écrire immédiatement à ses parents.
« Dis-leur que je leur écrirai aussitôt que possible. Dis-leur que je vais bien et qu’ils ne doivent pas se faire de souci ». Paroles admirables de courage et d’amour de son prochain. (tiré de Daniel Trocmé, Juste parmi les nations, par Marc-André Charguéraud)
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Discours (extraits) du pasteur Gérald Fruhinsholz
A l’occasion de l’inauguration d’un mur souvenir en mémoire de Daniel Trocmé, et tant que pasteur protestant, je veux tout d’abord remercier :
– La direction du kibboutz et du musée Lohamei Hagueta’ot,
– l’Organisation l’OSE qui nous donne l’occasion de partager ce bel espace, sachant combien il est important de ne pas dissocier le travail de chacun, Juifs et non juifs, durant cette époque terrible où des enfants cherchaient le moindre lieu pour se cacher des Nazis pour échapper à la mort,
– Je salue bien sûr la présence de Mr Serge Klarsfeld, maître d’œuvre incontournable lorsqu’il est question de la Shoah, je salue la présence de Mr Werner Salmon, représentant le Bnei brit de Jérusalem (loge Robert Gamzon), et enfin la présence d’un membre de la famille Trocmé, Nathalie Charron, habitant Jérusalem depuis bien longtemps.
Je veux souligner en outre combien ce projet n’aurait pu voir le jour sans la formidable persévérance de notre ami Claude Meyer ! Claude Meyer, fondateur de la belle association NEGBA s’occupant d’enfants israéliens en difficulté, n’a pas cessé de faire aboutir ce projet pour faire connaître la remarquable histoire d’un homme se sacrifiant pour ses élèves.
Il était essentiel pour Claude de laisser en Israël un autre visage de la France, autre que celui de la France de Vichy. Il devait montrer à la jeune génération israélienne le symbole d’une résistance à l’idéologie nazie, le témoignage d’hommes valeureux de toute une région, le plateau du Chambon, et particulièrement d’un jeune homme comme Daniel Trocmé qui ne s’est pas désolidarisé de ses élèves, juifs pour la plupart, les accompagnant jusqu’à la mort. […]
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A propos de Claude Meyer, co-fondateur de Negba, voici quelques pensées concernant ce mémorial : « Au travers du jeune Daniel Trocmé donnant sa vie pour ses étudiants, Claude Meyer a voulu souligner, pour l’avoir vécu lui-même, l’importance de ces Héros anonymes ayant permis à toute une génération d’enfants juifs de vivre leur vie, survivant à la persécution nazie. Même si heureusement les circonstances ne sont plus les mêmes aujourd’hui pour les enfants de Negba, la démarche reste la même : à l’image de Daniel qui a aimé ses étudiants jusqu’au bout, l’association Negba tente d’aider des enfants défavorisés à trouver le chemin de la réussite et connaître le bonheur.
Pour Claude Meyer, il y a là le sens d’une double reconnaissance : celle du passé à l’égard de ces Héros, et celle de l’amour gratuit témoigné par des Justes, comme le jeune Daniel. C’est une leçon de vie qui doit nous accompagner là où nous sommes, dans l’œuvre à laquelle nous participons, une œuvre d’amour envers les plus faibles ».