Le temps du dévoilement

18 janvier 2012
Pasteur Gérald Fruhinsholz


La vision de Zacharie, par Isabelle Degermann

Faut-il pour défendre sa foi, dénigrer celle de l’autre ?… Non, c’est un non-sens ; on ne se construit pas au dépend de l’autre, mais dans le respect de chacun, en sachant d’où l’on vient, et en découvrant sa propre identité. Le mépris à l’égard des autres religions ne vient pas du judaïsme. Israël est loué pour sa tolérance envers les différentes religions existantes sur son sol, tant les Bahaïs, les Musulmans, que les Chrétiens en général.

Cette tolérance, même si elle n’est pas reconnue par tous, les détracteurs étant nombreux et de mauvaise foi, émane du judaïsme même. En effet, au cours des siècles que le monde juif a traversés, au sein des nations qui l’ont plus ou moins bien accepté, personne ne peut prétendre que ce peuple a adopté une attitude arrogante vis-à-vis des autres religions. Bien au contraire. Ce serait dommage que cela change.

 

Aux sources d’un vrai dialogue

De nombreux chrétiens ont été interpellés, notamment après la guerre, par l’attitude positive de personnes juives tels Jules Isaac et Edmond Fleg[1], qui ont su réveiller les chrétiens et les mettre face à leurs contradictions. Les Protestants n’ont pas eu de problèmes d’entrer dans cette dynamique qui généra le dialogue judéo-chrétien, et les Catholiques ont suivi avec bonheur. Il a fallu le courage de Juifs ayant souffert dans leur propre chair, pour confronter le Christianisme aveuglé par son orgueil et ses certitudes criminelles. Le chemin était bien engagé pour un vrai dialogue, et il continue cahin-caha. Le chemin est long, mais indispensable.

Je cite un ami de ce dialogue, Armand Abécassis, tiré de son ouvrage : « Une lecture juive des Evangiles » :

« Le temps du dévoilement est arrivé où le Juif et le Chrétien peuvent se faire face, sans angoisse, sans stratégie aucune, sans que le Chrétien voie dans le Juif un chrétien en puissance, et sans que le Juif voie en lui l’impureté incarnée. Le temps du dévoilement est arrivé où des Chrétiens se mettent à l’étude de l’hébreu, des textes bibliques et de leurs commentaires juifs, du Talmud, du Midrach et même du Zohar…

« Le temps du dévoilement est aussi arrivé pour certains Juifs qui se mettent sérieusement à étudier la spiritualité chrétienne…

« Le temps est arrivé de définir exactement l’identité chrétienne par sa vocation propre et non par ce qu’elle est en fait dans le cœur et dans l’esprit de beaucoup de Chrétiens […] »

 

Connaître son identité

En effet, l’identité est primordiale. Nous devons savoir à quel peuple nous appartenons, et accepter dans sa foi que l’autre ne partage pas forcément ses convictions. En tant que chrétien, j’ai conscience que mes pères n’ont pas été à la hauteur de la foi chrétienne véritable, telle que je la vois dans les Ecritures et telle que je l’expérimente. Par rapport aux persécutions issues des « chrétiens » aux cours des siècles, je ne peux que demander pardon pour de tels égarements. Mais le fait que des apostats se disent « chrétiens » ne peut pas altérer mes convictions – je sais qui je suis, je connais mon identité, et pour cela je ne pourrais « me convertir », sans trahir ma foi. Je dirais d’ailleurs que plus j’aime Israël, plus je suis enraciné dans ma foi chrétienne.

La Bible dit bien qu’Israël est « un mystère », mais l’Eglise l’est également. Comme dit Franz Rosenzweig[2], les chrétiens ont été les rayons de lumière ayant permis de faire connaitre le D.ieu de la Bible aux extrémités de la terre. Cela signifie que nous n’avons pas toutes les réponses, et que nous devons rester humbles. Ceux qui prétendent détenir « toute la vérité » se mystifient. C’est justement là où l’on tombe dans l’intégrisme ou du moins l’orgueil. Je ne suis pas en accord avec les prises de position du Vatican vis-à-vis d’Israël, mais je connais des Catholiques qui aiment Israël. Du côté protestant ou évangélique, il y a bien des sujets de discorde, mais on doit aller de l’avant. D.ieu est D.ieu, et Il connait l’homme et sa tentation de s’ériger en sage. Il est seul Juge.

 

Beaucoup d’ennemis et peu d’amis

Je dis souvent aux amis israéliens : « Ne vous trompez pas d’ennemis ! ». Il y a des amis chrétiens sincères, même s’ils ne représentent pas tout le Christianisme. J’ai eu l’occasion de visiter avec un groupe de journalistes dans Mea Shearim le rabbin Meir H. de « Neturei Karta Palestine », et j’ose dire hélas qu’il fait partie des ennemis d’Israël – sa seule espérance est la disparition d’Israël au profit de la Palestine, et d’habiter Ramallah. A côté de cela, il y a des Musulmans pro-Israël, tel le Cheikh Abdul Palazzi. C’est mystérieux, des Musulmans comme ce cheikh, qui défendent Israël… et pourtant ils n’attendent pas un Messie juif.

Et il y a de vrais amis chrétiens qui aiment sincèrement Israël – des Protestants et des Evangéliques, des Catholiques et des Orthodoxes, des Arabes chrétiens… Ils défendent le pays, le soutiennent, par la prière et par une aide concrète. Faut-il les rejeter parce qu’ils aiment Jésus et qu’ils croient qu’Il reviendra à la fin des temps ?… Croit-on que D.ieu se laisse si facilement influencer ? Comme disait Ariel Sharon : « On verra, lorsque le Messie viendra, qui a raison… ». Un peu d’humour et de pragmatisme ne fait pas de mal. D.ieu est plus grand que nos raisonnements.

 

Deux peuples, Israël et les nations

J’aime cette peinture d’une amie chrétienne mise en exergue, sur la vision de Zacharie – « les deux oliviers » que D.ieu désigne comme « les deux fils de l’huile » (Zacharie 4). Les deux arbres sont reliés chacun à la Menorah de D.ieu. Ils y puisent leur sève et leur énergie.

Nous ne pouvons que nous référer au slogan divin qui fut donné au prophète : « Ce n’est ni par puissance, ni par force, mais par mon Esprit, dit le Seigneur ». Attendons-nous avec émerveillement à ce que D.ieu dénoue les interrogations en fin de parcours, et amène Son glorieux dévoilement. Il se manifestera premièrement à ceux qui ont eu l’humilité de ne pas tout comprendre, tout en gardant une totale confiance en LUI, tel Abraham ou David, et tant d’autres, décrits dans les Ecritures comme des héros de la foi. Attendons-nous à LUI, et sachons répandre autour de nous, et l’amour de D.ieu et la lumière de Son esprit.




[1] L’Amitié Judéo-chrétienne a été fondée par Jules Isaac et Edmond Fleg en 1948.

[2] Franz Rosenzweig caractérise le Juif assimilé revenu à ses racines juives après la tentation de se faire chrétien. Son œuvre majeure « l’Etoile de la Rédemption » désigne Israël comme le « cœur incandescent » et les chrétiens comme les rayons qui atteignent le monde.




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